François Georgeon, "Le dernier sursaut (1878-1908)", in Robert Mantran (dir.), Histoire de l'Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989, p. 534-535 :
"(...) c'est d'abord dans les provinces
arabes de l'empire que le sultan ['Abdül-Hamîd] craignait de voir
surgir des tendances séparatistes. Très tôt il semble avoir
soupçonné l'Angleterre de vouloir jouer la carte arabe contre le
pouvoir ottoman. Or dès la fin de l'année 1876 commençait dans des
journaux arabes publiés à Londres une véritable campagne en faveur
d'un califat arabe. La thèse soutenue était que le califat avait
été usurpé par les Ottomans et qu'il devait être restitué aux
Arabes à qui il revenait de droit. Ces idées, défendues au début surtout
par des Libanais chrétiens, avaient été reprises avec éclat par
Wilfrid Scaven Blunt, poète et agent britannique, dans un ouvrage
paru en 1881 et intitulé The Future of Islam.
Précisément, au moment où ces idées
commençaient à être formulées en Europe, une certaine agitation
gagnait les provinces arabes de l'empire. En 1880-1881, des libelles
et des placards faisaient leur apparition à Beyrouth, à Alep, à
Damas et à Bagdad, appelant les populations arabes à secouer la
tutelle ottomane. Les observateurs constatent qu'une atmosphère
hostile aux Turcs est en train de se développer, et 'Abdül-Hamîd y
voit la main de l'Angleterre. D'abord restreint à un petit groupe de
Libanais chrétiens, le thème du califat arabe ou même d'un Etat
arabe va faire peu à peu son chemin. En 1902 paraissait au Caire La
Mère des cités du Syrien al-Kawâkibi, ouvrage dans lequel l'auteur
proposait un pouvoir uniquement spirituel dont le centre serait La
Mecque (« la Mère des cités »). Quelques années plus
tard, Neguib 'Azury [maronite] exposera l'idée d'un nationalisme
arabe dans un livre en français intitulé Le Réveil de la nation
arabe dans l'Asie turque.
C'est par rapport à ce danger, encore
diffus, de séparatisme dans les provinces arabes qu'il convient
surtout d'apprécier le « panislamisme » de 'Abdül-Hamîd.
Il est un des éléments d'une politique que l'on peut dire
« arabe », et qui cherchait à arrimer plus solidement
les provinces arabes à l'Etat ottoman. La religion était un moyen
parmi d'autres pour parvenir à cette fin. Pour répondre à l'idée
du califat arabe, le sultan encourageait la publication d'ouvrages de
propagande en arabe, défendant la légitimité du califat ottoman."
Voir également : Le règne du sultan ottoman Abdülhamit II (Abdul-Hamid II) : une "belle époque" pour les chrétiens d'Orient
Voir également : Le règne du sultan ottoman Abdülhamit II (Abdul-Hamid II) : une "belle époque" pour les chrétiens d'Orient